Comme promis, je vais vous raconter comment on peut se régaler dans le Piémont, en connaissant le Caseificio. Lorsque l’on vient de France, après Barcelonnette, on prend la route du col de Larche (Colle di la Madalena en Italien) et on descend après le passage de la frontière, dans la vallée Stura qui vous amène vers Borgo San dalmazzo, puis Cuneo. Mais avant, on passe par Moiola, Aizone et à proximité de Valloriate où je vous conseille vivement de vous arrêter au « Fungo reale » tenu par l’ami Mario et sa femme (très bon petit « albergo », bien connu des Hyérois). Et surtout, on passe par Demonte, puisque le Caseificio se trouve à la sortie du bourg en partant sur Gaiola, où l’on trouve un peu avant, une «pescheria» qui vend des truites que vous pourrez emporter encore vivantes. Celles que vous aurez pêché vous même au préalable, bien sûr.

Mais avant, allez, on va dire quelques mots sur Demonte, juste histoire de se fixer un peu les idées. Pendant la Seconde guerre mondiale, durant la période de l'occupation allemande et de la République sociale Italienne, à Demonte les cinq membres de la famille juive des Tedeschi de Ferrare trouvèrent refuge, jusqu'à leur expatriation en Suisse. Le protagoniste de leur salut fut le partisan Lorenzo Spada qui, en plus de leur donner refuge, pourvut à l'organisation et à la couverture des dépenses pour leur fuite. Fuite qui se déroula sans incident dans la nuit du 8 février 1944. Mais blessé dans un échange de coups de feux, Spada sera arrêté et pendu sur la place de Demonte, qui aujourd'hui encore porte son nom. Pour son engagement de solidarité vis-à-vis des juifs persécutés, l'Institut Yad Vashem de Jérusalem a conféré à Lorenzo Spada le 4 novembre 1974, la haute décoration des Justes parmi les Nations. Le 20 juillet 2000, le Parlement Italien a institué le 27 janvier comme "Jour de la Mémoire" en souvenir des victimes de l’Holaucoste et en l’honneur de ceux qui, comme Lorenzo Spada, ont protégé les persécutés au risque de leur propre vie.

Au-delà de l’aspect historique, Demonte compte un peu plus de 2000 habitants, et se situe à une altitude de 780 mètres. On y trouve une jolie place dont vous connaissez maintenant le nom et on peut faire ses amplettes sous les « porti », sortes d’arcades sous les maisons, bordées de commerces ayant encore gardé un cachet conforme à la configuration des bourgades d’antan. Sinon, la route principale qui descend du col traverse entièrement le site pour déboucher à la sortie, sur la vallée. Arrivé là, il suffit de continuer juste un peu et l’on tombe sur le Caseificio situé à gauche de la route. On y accède par un grand parking où la place ne manque pas pour se garer.

Lorsqu’on a franchi la porte de ce lieu divin, on se trouve devant les étals où l’on peut admirer la grande variété de fromages mis à la vente. Le secteur laitier et fromager de la province de Cuneo représente un poids économique important : on y produit annuellement plus de 4,5 millions de litres de lait, environ 50% de la production piémontaise qui sont, pour la majeure partie, transformés en fromages selon une longue tradition. Tradition qui donne naissance à un grand nombre de fromages prestigieux. En effet, les fromages AOP sont au nombre de sept. Quatre d'entre eux ne peuvent être produits que dans la province de Cuneo, tels : le Bra, le Castelmagno, le Murazzano, le Raschera. La Tomme peut l'être dans toute la région du Piémont et le grana padano (parmesan du Pô) et le gorgonzola dans toutes les autres régions de l'Italie septentrionale. Le « Toumin » dal Mel fait actuellement l'objet d'un dossier de reconnaissance d'AOP. A côté de ces fromages, il ne faut pas oublier tous ceux reportés dans la liste des Produits Agroalimentaires Traditionnels de la région du Piémont. Ce sont des produits que l'on trouve exclusivement ou majoritairement sur le territoire de la province. Ils sont liés aux traditions locales et ont une origine très ancienne. Citons le Boves et le Gioda, le Nostrale d'Alpe, la Paglierina, la Robiola d'Alba, la Sola et le Testun, la tomme de Bossolasco, la tomme d'Elva, la tomme de Celle Macra, les tommes des vallées de Saluces, la tomme du bot, la tomme de San Giacomo de Boves, et le bruss.

L’autre régal du Caséificio est la charcuterie : Le produit piémontais le plus typique est le salam ‘dla duja à la viande de porc, que l’on conserve dans des récipients en terre cuite ou en verre ainsi que le saucisson d’oie (avec lard de porc) et le spalot (jambon de devant) de la région de Biella. Ce que l'on apprécie particulièrement, c’est qu’il vous est découpé à l’achat en petites tranches fines que l’on peut accommoder ensuite avec toutes sortes de mets.

Après avoir présenté vos paquets bien remplis aux caisses situées à part, au bout des présentoirs, et avoir réglé pour un prix très concurrentiel par rapport à la France, les achats des différents produits, vous pourrez déguster au mini bar placé à la sortie, soit une très bonne glace comme on sait les faire au Piémont, soit un excellent café qui relancera votre bonne humeur pour le chemin du retour.

Les occasions de venir au Caséificio sont multiples. L’amateur de bonne chaire y viendra régulièrement si son budget le lui permet. Pour celui qui aura un bon repas à organiser, ce sera l’occasion de mettre au menu les différentes spécialités qui feront le régal de ses invités. Lors du départ, à la fin du séjour (chez Mario), comme il est situé en bordure de route en allant vers la frontière, il pourra s’agir d’une étape privilégiée pour s’arrêter faire le plein de bonnes marchandises à ramener à la famille et/ou aux amis. Ou alors, on se réservera le plaisir de déguster tout ça lors d’un repas Piémontais entre amis, juste le temps de boire un verre de chianti devant le bois d'olivier qui brûle dans la cheminée, histoire de s'ouvrir l'appétit.  

En tous les cas, le Caséificio est une étape recommandée à tous ceux qui passent des vacances dans le coin. En ce qui concerne les produits : ils sont à consommer sans modération. Enfin, si on peut dire, car pour ceux qui retournent sur les plages du midi se faire dorer au soleil en fin de séjour, la silhouette du guerrier risquera d’en avoir pris un petit (ou un bon) coup. Il faudra alors impérativement se mettre au régime sans tarder ou s’astreindre aux séances de sport intensives, car autrement l'opération séduction dans le maillot nouvellement acquis, pourrait s'avérer bien périlleuse. Mais que ne sacrifierait-on pas aux plaisirs de la table.

Sur ce je vous laisse. Faites de bonnes amplettes. Moi, je vais prendre l'apéro. Devinez quoi : un bitter san pellegrino. Allez Ciao.